William Kurelek est connu pour ses tableaux sur les souvenirs d’enfance, qui dégagent souvent une innocence intemporelle. Il a également représenté les expériences de divers groupes culturels du Canada, consacrant des séries entières aux Ukrainiens, aux Juifs, aux Polonais, aux Irlandais, aux Canadiens-Français et aux peuples inuits. Mais il existe aussi un autre Kurelek, le prophète angoissé d’une apocalypse moderne, accusant par son art l’ère de la sécularisation, tout en témoignant d’une foi catholique romaine inébranlable.
Nous savons que William Kurelek a entrepris plusieurs pèlerinages partout au Canada en vue de rapporter des dessins de ses lieux préférés. Mais il a surtout travaillé chez lui, avenue Balsam à Toronto. C’est là que Kurelek travaillait dans une petite pièce mal éclairée de son sous-sol.
Dans cette ancienne remise à charbon, Kurelek avait construit et orné des armoires où il rangeait ses peintures et ses outils de travail. Les murs et le plafond étaient décorés de motifs ukrainiens élaborés peints ou sculptés. Si Kurelek a effectué la plupart des travaux lui-même, il a aussi incorporé des murs décorés de motifs floraux qui provenaient de la maison d’une paysanne ukrainienne qu’il connaissait. De même, les boiseries du plafond ont été sculptées par un nouvel arrivant, immigré de l’Inde.
Malgré ces décorations, l’atelier ne comportait pas de fenêtre et l’artiste y était à l’étroit, dans un espace d’environ 4 pieds sur 6 pieds. Il n’avait pas assez de place pour peindre au chevalet et peignait habituellement sur des planches de masonite posées à plat sur la table. Même s’il se considérait souvent comme une version moderne des enlumineurs médiévaux, son espace de travail ressemblait davantage à un bunker qu’à un atelier d’artiste.
Au milieu des années 1960, convaincu qu’une guerre nucléaire était inévitable dans le sillage des relations internationales tendues de la guerre froide, Kurelek est déterminé à construire un abri fortifié dans son sous-sol. Il se heurtera à la résistance de sa famille, de ses amis, de ses voisins et des fonctionnaires de la ville. Ses plans sont rendus publics en 1967 lorsque deux journaux de Toronto publient des articles sur son entreprise. Sachant à quel point l’artiste est un chrétien convaincu, des observateurs remettent en question son motif apparent de protection de sa famille.
En 1968, Kurelek répond aux critiques dans une lettre distribuée à ses amis et ses détracteurs, et dans laquelle il affirme sentir qu’une catastrophe mondiale est sur le point d’éclater. En ces termes :
« Je prévois une guerre nucléaire d’ici 10 ou 15 ans. Une grande partie de la race humaine mourra. Le mode de vie moderne, très urbanisé, sera détruit ou très amoindri et nous connaîtrons une forme quelconque de tyrannie politique… Je crois que les chrétiens devront continuer de vivre et de persévérer dans leur foi » après la dévastation. « Après la première attaque nucléaire, nous sortirons de nos abris et nous serons obligés d’aller dans les campagnes ou même dans les forêts boréales… [I]l me semble que ceux qui se préparent à la catastrophe imminente, avec l’intention de poursuivre leur vie comme avant par la suite, sont en fait moins pessimistes que ceux qui s’avouent vaincus et se disent ‘à quoi bon!’ » (Lettre de William Kurelek à Ken Shorey, 10 août 1968, dossier 10, vol. 9, William Kurelek Fonds, Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa).
Au début des années 1970, Kurelek abandonne l’idée de transformer son espace de travail en abri fortifié, mais cette pièce demeurera son atelier jusqu’en 1977. Avant de démanteler cet atelier en 2010, lors de la vente de la maison familiale, le seul vestige du projet de Kurelek encore visible était la porte massive.
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À propos
William Kurelek est connu pour ses tableaux sur les souvenirs d’enfance, qui dégagent souvent une innocence intemporelle. Il a également représenté les expériences de divers groupes culturels du Canada, consacrant des séries entières aux Ukrainiens, aux Juifs, aux Polonais, aux Irlandais, aux Canadiens-Français et aux peuples inuits. Mais il existe aussi un autre Kurelek, le prophète angoissé d’une apocalypse moderne, accusant par son art l’ère de la sécularisation, tout en témoignant d’une foi catholique romaine inébranlable.
Nous savons que William Kurelek a entrepris plusieurs pèlerinages partout au Canada en vue de rapporter des dessins de ses lieux préférés. Mais il a surtout travaillé chez lui, avenue Balsam à Toronto. C’est là que Kurelek travaillait dans une petite pièce mal éclairée de son sous-sol.
Dans cette ancienne remise à charbon, Kurelek avait construit et orné des armoires où il rangeait ses peintures et ses outils de travail. Les murs et le plafond étaient décorés de motifs ukrainiens élaborés peints ou sculptés. Si Kurelek a effectué la plupart des travaux lui-même, il a aussi incorporé des murs décorés de motifs floraux qui provenaient de la maison d’une paysanne ukrainienne qu’il connaissait. De même, les boiseries du plafond ont été sculptées par un nouvel arrivant, immigré de l’Inde.
Malgré ces décorations, l’atelier ne comportait pas de fenêtre et l’artiste y était à l’étroit, dans un espace d’environ 4 pieds sur 6 pieds. Il n’avait pas assez de place pour peindre au chevalet et peignait habituellement sur des planches de masonite posées à plat sur la table. Même s’il se considérait souvent comme une version moderne des enlumineurs médiévaux, son espace de travail ressemblait davantage à un bunker qu’à un atelier d’artiste.
Au milieu des années 1960, convaincu qu’une guerre nucléaire était inévitable dans le sillage des relations internationales tendues de la guerre froide, Kurelek est déterminé à construire un abri fortifié dans son sous-sol. Il se heurtera à la résistance de sa famille, de ses amis, de ses voisins et des fonctionnaires de la ville. Ses plans sont rendus publics en 1967 lorsque deux journaux de Toronto publient des articles sur son entreprise. Sachant à quel point l’artiste est un chrétien convaincu, des observateurs remettent en question son motif apparent de protection de sa famille.
En 1968, Kurelek répond aux critiques dans une lettre distribuée à ses amis et ses détracteurs, et dans laquelle il affirme sentir qu’une catastrophe mondiale est sur le point d’éclater. En ces termes :
« Je prévois une guerre nucléaire d’ici 10 ou 15 ans. Une grande partie de la race humaine mourra. Le mode de vie moderne, très urbanisé, sera détruit ou très amoindri et nous connaîtrons une forme quelconque de tyrannie politique… Je crois que les chrétiens devront continuer de vivre et de persévérer dans leur foi » après la dévastation. « Après la première attaque nucléaire, nous sortirons de nos abris et nous serons obligés d’aller dans les campagnes ou même dans les forêts boréales… [I]l me semble que ceux qui se préparent à la catastrophe imminente, avec l’intention de poursuivre leur vie comme avant par la suite, sont en fait moins pessimistes que ceux qui s’avouent vaincus et se disent ‘à quoi bon!’ » (Lettre de William Kurelek à Ken Shorey, 10 août 1968, dossier 10, vol. 9, William Kurelek Fonds, Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa).
Au début des années 1970, Kurelek abandonne l’idée de transformer son espace de travail en abri fortifié, mais cette pièce demeurera son atelier jusqu’en 1977. Avant de démanteler cet atelier en 2010, lors de la vente de la maison familiale, le seul vestige du projet de Kurelek encore visible était la porte massive.